Cours UE 26 - Ph. Dessus - LSE/UPMF Grenoble
1.3 Les artefacts cognitifs nécessaires aux situations d'enseignement/apprentissage
Les capacités détaillées ci-dessus sont essentiellement innées, mentales et intérieures. Il apparaît qu’une autre capacité humaine est celle d’utiliser divers artefacts cognitifs pour mener à bien certaines des activités menées habituellement dans des situations scolaires. Nous allons maintenant nous intéresser à quelques artefacts cognitifs, extérieurs aux protagonistes, qui ont été conçus dans le but d’améliorer la perception des situations du point de vue des protagonistes. En effet, les différentes capacités précédentes existent naturellement, mais certains artefacts ont pu être conçus pour aider et rationaliser l’activité humaine à travers eux (Bereiter, 2002).
Le rôle des systèmes de symboles
L’un des plus anciens artefacts cognitifs sont les systèmes de symboles. Tomasello (2003) montre qu’ils ont été inventés pour manipuler les états mentaux des humains auxquels ils sont adressés. Cela rejoint la notion vygotskienne d’instrument intellectuel, qui est le médiateur entre l’action de homme et sa propre conduite, ou celle d’autrui (Rochex, 1995). Ils sont socialement appris, la plupart du temps par imitation, et ne pourraient l’être sans les capacités humaines décrites précédemment. Pour Tomasello (2003), les symboles ne sont pas utilisés de manière dyadique, pour réguler directement des relations sociales, mais de manière triadique, dirigés vers les états mentaux des autres personnes. Les symboles, de plus, autorisent un traitement plus simple des informations communiquées. Ce caractère triadique rend les systèmes de symboles spécialement importants dans les situations scolaires.Le rôle de la culture
Nous pouvons considérer la culture en elle-même – et non la capacité d’apprentissage culturel, décrite plus haut – comme un outil permettant de dépasser ou redéfinir des capacités naturelles. La culture, comme certains l’ont indiqué (Bruner, 1983, 1991), est un moyen de pallier certaines contraintes innées, en développant chez leurs détenteurs leur capacité à comprendre le monde. Selon Bruner, la culture donne forme à l’esprit en donnant une signification à son action, et, plus précisément : « [c’est] une sorte de boîte à outils, où l’homme trouve les prothèses dont il a besoin pour dépasser et parfois redéfinir les "limites naturelles" de son fonctionnement. Tous les outils humains, qu’ils soient matériels ou intellectuels, répondent à ce besoin. » (Bruner, 1991, p. 36) La culture serait donc, entre autres, un ensemble d’outils cognitifs permettant de dépasser certaines « limites naturelles », comme : se souvenir de plus de sept éléments, arriver à compter jusqu’à plus de dix, mémoriser des histoires qui contiennent des aspects sociaux ou moraux (contes), etc. L’école, de ce point de vue, est devenu l’un des véhicules important de la culture, en véhiculant cette dernière via des artefacts spécifiques, les situations d’enseignement/apprentissage.Les situations d’enseignement/apprentissage
Plus précisément, le type d’environnement dans lequel insérer les enfants pour qu’ils acquièrent une culture via des symboles est très important. La situation d’enseigne¬ment/apprentissage est une situation culturelle, dans laquelle élèves et enseignants s’intéressent de manière conjointe à un objet culturel (matériel ou immatériel). Certaines questions « que voyez-vous ?» ; « pourquoi X ? » permettent justement d’entretenir cette attention partagée. Cette dernière, combinée aux capacités humaines d’analyse des régularités, permet d’apprendre. Nous aurons l’occasion, dans la deuxième partie, de détailler les caractéristiques de telles situations.Régi par la licence Creative Commons Attribution Non-commercial Share Alike 3.0 License
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